L'écriture comme passe-temps c'est prenant !

lundi 17 octobre 2016

Chronique de Maureen sur "Bazar de la littérature"

Le Jarwal
de Patricia LE SAUSSE

Editions du Riez
2016, p. 370


Patricia Le Sausse est née en juillet 1960 à Paris. Après une enfance faite de débrouillardise et de bêtises dans les rues de la capitale, elle a passé une adolescence plutôt studieuse dans la verte Picardie où elle a cultivé un besoin de solitude récurrent en l’alimentant de lectures en tout genre. Devenue maître d’œuvre, pilote de chantier, elle a développé, lors des longs trajets pour se rendre sur ses lieux de travail, le goût des histoires inventées pour passer le temps. Mis à part cette facilité à enjoliver la réalité, qu’elle tient sûrement de ses jeunes années passées à tenter de convaincre les adultes qu’ils se trompaient de coupable, elle ne peut pas se targuer d’avoir eu l’envie d’écrire dès l’adolescence ou d’avoir noirci des pages de cahier mue par une impérieuse nécessité. Non, rien de tout ça ! Ce n’est que sur le tard, une fois ses quatre enfants grands qu’elle s’est désolée d’avoir perdu la plupart de ces contes dont ne lui restait que l’idée qu’ils étaient plutôt « pas mal ». À ceux qui lui demandent, aujourd’hui, pourquoi elle écrit, la seule réponse qu’elle peut leur donner est : « parce que ce jour-là, je me suis dit : pourquoi pas ? »


Basile n’a pas choisi la vie d’exclu qu’il vit à cause du métier de son père, bourreau dans le comté de Provence en cette année 1268. Il n’a pas voulu non plus devenir son apprenti. Quand il découvre qu’il possède le don de ressentir les émotions des gens qui l’entourent, de se les approprier et de les retourner contre ceux qui le méprisent, tout bascule.
Accusé de sorcellerie, poursuivi par un inquisiteur, agressé par des sentiments qui ne lui appartiennent pas, il doit fuir pour retrouver son clan. Tant qu’il n’aura pas réussi à maîtriser cette puissante empathie, il sera menacé.
À moins qu’il ne décide de l’exploiter pour dominer les autres en manipulant leurs émotions…

C’est grâce à son auteure – Patricia Le Sausse – que je remercie, que j’ai eu l’occasion de me plonger dans Le Jarwal, publié aux éditions du Riez.
C’est un bel ouvrage assez épais et bien dense qui est arrivé dans ma boîte aux lettres et qui m’a offert quelques heures de belles émotions dans une Provence historique.
Le Jarwal, c’est quoi ? Voilà un terme bien mystérieux qui ne nous sera pas expliqué immédiatement. On se doute – utilisation du singulier oblige – qu’il s’agit de quelque chose (ou quelqu’un) de rare et on comprend vite que cette chose (ou cette personne) est liée à notre jeune héros Basile.
Le jeune homme, à l’aube de ses 17 ans, est un garçon bien particulier, très sensible et quasiment unique en son genre. Pour moi, la vraie force de ce livre, c’est lui. En découvrant le résumé de quatrième de couverture, c’est l’aspect fantastique qui m’intriguait mais c’est vraiment la personnalité et l’évolution du personnage principal que je retiens aujourd’hui, quelques jours après avoir terminé ma lecture.
Basile est le fils unique du bourreau du village. Il vit avec ses parents, à l’écart de tous car à cette époque (au XIIIe siècle donc), ce métier était une malédiction que l’on se transmettait de père en fils. Quiconque touchait le bourreau et son entourage, entrait dans sa maison ou utilisait des objets qui étaient auparavant passés entre les mains de la famille maudite, était à son tour frappé par l’opprobre générale. Notre jeune héros, sensible à son environnement, peine à accepter le rejet dont sa famille et lui souffrent depuis toujours. Et les choses vont de mal en pis depuis qu’il ressent intensément les émotions des personnes l’entourant.
La vie quotidienne est difficile mais tout s’accélère le jour de l’exécution d’une femme accusée de sorcellerie et condamnée à la noyade. Devant aider son père, Basile assiste à la scène aux premières loges… mais son empathie est telle qu’il a l’impression de se noyer lui aussi. L’exécution ne se déroule pas comme prévu, les villageois et le seigneur du coin sont furieux et retournent leur colère contre l’adolescent et sa famille. Un inquisiteur entre également dans la danse, c’est le début d’une course-poursuite terrifiante et qui semble sans fin pour notre héros.
Au cours de sa fuite, Basile va devoir se cacher, ruser, faire confiance à des inconnus, surmonter des deuils… et évidemment apprendre à contrôler son nouveau pouvoir intimement lié à ses émotions. Patricia Le Sausse met ainsi en avant la dualité de la personnalité de son personnage : à la fois gentil garçon éduqué dans le respect et l’amour de son prochain et en même temps, ressentant une haine et un mépris croissants pour tous les autres, tous les villageois ayant contribué à son bannissement de la société depuis sa naissance. Son don peut lui permettre de se faire justice lui-même, mais jusqu’où va le Bien, où commence le Mal ? Finalement, qui est-il vraiment ? Ce petit garçon généreux et brillant ou cet autre garçon, épris de vengeance, à la limite de la cruauté ?


Si Basile vit une aventure assez haletante et rythmée, j’ai tout de même ressenti une petite baisse de régime au milieu du texte avec l’impression que le héros tournait un peu en rond. Heureusement, l’évolution de sa personnalité et donc les passages introspectifs m’ont tellement plu que je ne me suis pas trop attardée sur ce petit bémol qui est d’ailleurs vite effacé par de nouvelles rencontres.
Ces nouveaux personnages que l’on croise vont mener le héros sur les traces de son passé et à nouveau, j’ai ressenti une belle curiosité et un bel engouement, pressée d’en savoir plus. C’est d’ailleurs auprès d’eux que se déroulent la dernière partie de l’aventure de Basile, dernière partie qui offre des scènes plus épiques dans lesquelles le pouvoir du jeune homme a toute son importance.
Un personnage principal bien croqué et des figures secondaires qui ne déméritent pas, une intrigue plutôt bien menée dans son ensemble… et enfin un contexte parfaitement maîtrisé. Voilà un autre point fort de cette lecture, à mon sens.
Patricia Le Sausse s’est documentée sur la période et la région dans laquelle elle plaçait son histoire et a poussé les recherches au sujet du métier de bourreau au Moyen Age. C’est grâce à de nombreux détails bien placés que le lecteur parvient à être transporté dans ce contexte si particulier, sans non plus être complètement noyé par des descriptions interminables.
Certaines scènes sont magistralement écrites, je pense notamment à la fuite dans le marais qui m’a serré le cœur. Les larmes n’ont pas été loin de couler également lors du dénouement, lorsque Basile réapparaît sur la place après son combat. Les scènes sont palpables, c’est assez fort en émotions. Merci à l’auteure pour ça !
Plus qu’une histoire avec des éléments surnaturels, Le Jarwal est pour moi une aventure très humaine au cours de laquelle Basile va grandir, faire des choix pas toujours heureux et surtout apprendre qui il est vraiment ; le tout dans un contexte historique maîtrisé. Une belle découverte !

vendredi 2 septembre 2016

Chronique de Songe d'une Walkyrie




Publié le 2 septembre 2016 par Walkyrie
 
Quatrième de couverture : Basile n’a pas choisi la vie d’exclu qu’il vit à cause du métier de son père, bourreau dans le comté de Provence en cette année 1268. Il n’a pas voulu non plus devenir son apprenti. Quand il découvre qu’il possède le don de ressentir les émotions des gens qui l’entourent, de se les approprier et de les retourner contre ceux qui le méprisent, tout bascule.
Accusé de sorcellerie, poursuivi par un inquisiteur, agressé par des sentiments qui ne lui appartiennent pas, il doit fuir pour retrouver son clan. Tant qu’il n’aura pas réussi à maîtriser cette puissante empathie, il sera menacé.
À moins qu’il ne décide de l’exploiter pour dominer les autres en manipulant leurs émotions…

— Chronique —
Le Jarwal est un roman de fantasy assez original traitant de la maîtrise des émotions sur fond de vie moyenâgeuse avec ses bourreaux, ses seigneurs et ses paysages provençaux. Un véritable voyage dans le temps pour le lecteur avec une touche de surnaturel suffisamment subtil pour ne pas encombrer l’ensemble de l’intrigue. Un roman intéressant, bien écrit, justement amené, le seul reproche sera l’attitude parfois immature du héros dans certaines situations.
Basile est un jeune homme seul vivant isolement avec son père et sa mère, fils de bourreau et nouvel apprenti de celui-ci, il est rejeté par les autres habitants du village à cause du métier de son paternel et de ce qu’il représente : un exécuteur, un tueur. Depuis quelques années, Basile ressent des choses, de drôles d’émotions émanant des autres, il décide pourtant de ne rien dire, ayant trop peur qu’on le catalogue de sorcier et à son époque la sorcellerie est punie de mort. Pourtant, lors d’une exécution  où il y assiste en tant qu’apprenti, quelque chose tourne mal, Basile ne contrôle pas le flot d’émotions ressenti par la victime et chose étrange, les habitants commencent à se battre entre eux, mais rapidement le calme revient et les habitants voit l’œil du démon dans cette subite bagarre. La famille du bourreau est menacée et Basile se retrouve seul à affronter la chasse de l’inquisiteur dont il n’est autre que la proie.
Le roman tourne essentiellement autour du personnage de Basile et d’un autre qui l’accompagne dans son périple pour sauver sa  peau et retrouver la famille de sa mère. Basile est un personnage assez fort, tenace mais aussi fragile et parfois même immature. Un personnage complètement perdu par ce qu’il ressent, son empathie qu’il peine à maîtriser et l’évolution du personnage de ce côté là est relativement passionnante à suivre. Jusqu’à la fin on ne sait pas s’il prendra la bonne décision ; se laisser déborder ou contrôler ce raz de marré de sentiments. S’il y a un reproche à faire à ce personnage, c’est son côté un peu « Caliméro » ou « personne ne m’aime alors je fuis », évidemment que l’on comprend son mal être, lynché toute sa vie sous les brimades des villageois, rejeté par tous, difficile d’avoir confiance en soi dans ces cas là, mais c’était parfois un peu excessif et surtout redondant dans le récit. Basile est presque un homme et plus un enfant, on attend donc un minimum de maturité dans ses réactions. Heureusement, le personnage va évoluer, plus particulièrement sur la fin du roman, notamment grâce à ce personnage mystère qui l’accompagne nettement plus terre à terre, plus sarcastique et vindicatif aussi, un contraste intéressant entre les deux qui vont évoluer l’un avec l’autre.
Basile croisera d’autres personnages, notamment celui d’Amauri, un gamin très attachant, fouineur et bien trop téméraire pour son âge, il apporte une grande touche d’humour à cette histoire quelque peu dramatique. Ensuite, il y a Gauvin et Héloïse, les parents très aimants de Basile, Clotaire, un parent qui pourrait bien l’aider dans sa quête de lui-même, et bien d’autres encore, des rencontres dont il se méfiera toujours au premier abord, Basile ayant du mal dans les échanges avec les autres et ayant beaucoup de mal à faire confiance aussi.
Il y aussi dans ce roman une ambiance bien particulière, très intimiste finalement. On est plutôt dans quelque chose de lent, de psychologique et assez peu dans l’action, dans la vivacité des événements, même s’il y a des moments plus intenses que d’autres. Dans l’ensemble, le roman s’apprécie en prenant son temps et l’aspect psychologique est intéressant et très intelligemment traité. On s’immerge dans ce roman, dans l’empathie, la faculté propre du personnage de Basile, une espèce de pouvoir à double tranchant, difficile à gérer quand on est encore un jeune homme si peu expérimenté de la vie, et tellement tentant d’en usé pour obtenir le contrôle, le pouvoir, le respect des autres, asservir tout ceux qui ont pu vous nuire. Il y a une espèce de balancement entre les deux, Basile est au centre, tiraillé entre sa colère, son amertume et sa solitude d’un côté, et son besoin d’être aimé pour lui, d’être apprécier, utile de l’autre. Faire le mal ? Faire le bien ? Difficile de faire la part des choses quand on a la faculté de ressentir les émotions des autres, et de découvrir qu’on peut les manipuler pour les alléger comme pour les faire souffrir. Un aspect vraiment très enrichissant du roman qui pousse peut-être une réflexion plus profonde, sur la quête de soi d’une part, s’accepter, apprendre à se contrôler, à gérer ses sentiments, sur la tolérance vis à vis des autres aussi, doit-on abuser de quelque chose qui nous rendrait supérieur aux autres au détriment de leur bien être ? Ou au contraire, doit-on l’utiliser avec parcimonie pour soulager et aider son prochain ?
Le roman est plein d’idées et d’originalité et relativement riche pour un roman jeunesse. Il y a une certaine maturité, loin de l’innocence enfantine, bien que le personnage d’Amauri vienne le rappeler de temps en temps, le personnage de Basile se retrouve bien vite propulsé dans une chasse à l’homme qui le dépasse.
L’auteure a aussi effectué un travail dans le vocabulaire et les descriptions de l’époque et des paysages, on a l’impression d’y être, et elle  su parfaitement intégrer du vocabulaire de l’époque, nous l’expliquer subtilement, enrichissant d’avantage son texte plutôt que de nous perdre dans des termes très particuliers qui ne sont plus utilisés aujourd’hui. Un vrai travail et un vrai effort d’écriture à saluer.
Le roman porte aussi une jolie couverture, l’éditeur encore une fois a fait un choix judicieux en publiant ce roman qui joue la carte de l’originalité, de la nouveauté et d’une  ambiance un peu sombre et dur, caractéristique de la ligne éditoriale des éditions du Riez.
En bref, un roman fantasy qui se lit vraiment bien, qui nous imprègne d’une autre époque et nous baigne dans d’anciens paysages, qui nous fait ressentir un panel d’émotions positif comme négatif et une intrigue rondement menée avec son lot de révélations et de surprises, un ensemble donc très bien construit, il y a juste ce personnage principal qui m’aura un peu fait grincé des dents et auquel je ne me serai finalement assez peu attaché au profit des autres plus charismatiques à mon sens. Un nouveau roman des éditions du Riez à découvrir !