L'écriture comme passe-temps c'est prenant !

Le Pacte d'Aldéyus

 

Chapitre 1

 

Yaëlle refusait d’ouvrir les yeux. Elle le savait au plus profond d’elle-même, elle n’était plus dans sa chambre ni dans son lit. Tous ses sens étaient en alerte. Elle venait de fêter ses dix-sept ans, pourtant elle se sentait comme une gamine de huit ans, perdue dans le noir. Derrière ses paupières closes, elle pouvait voir les lueurs mouvantes de ce qu’elle reconnaissait comme étant un feu de cheminée, quand il n’y en avait pas dans l’âtre lorsqu’elle s’était couchée.

Par contre, elle se souvenait très bien en avoir aperçu un chaque fois qu’elle s’était retrouvée ici après s’être endormie.

Elle se recroquevilla sur elle-même. Que se passait-il ? Rêvait-elle ? Pourquoi cette comptine tournait-elle en boucle dans sa tête ? Comment pouvait-elle se retrouver ailleurs, dans cette pièce sombre, lugubre, quand, peu avant, elle était dans sa chambre ? L’image de celle-ci, décorée de bouquets d’herbes aromatiques et dont la fenêtre ouvrait sur les jardins de la Citadelle, la traversa.

Elle se décida à jeter un coup d’œil entre ses cils. Un frisson glacé parcourut son dos, ses mains se mirent à trembler, mais elle résista. Cela faisait maintenant trois nuits qu’elle faisait ce qu’elle s’obstinait à considérer comme un cauchemar, malgré son réalisme, malgré son cerveau qui lui assurait qu’il était parfaitement éveillé.

Chaque fois, à peine arrivée, l’effroi ressenti l’avait ramenée dans son lit. Cette fois-ci, elle ne laisserait pas la peur l’entraîner, même si savoir qu’elle pouvait l’utiliser pour fuir ce lieu et se retrouver bien au chaud dans ses draps la rassurait. Elle avait besoin de réponses. Cauchemar ou réalité ? Elle voulait en avoir le cœur net.

Elle entrouvrit un peu plus ses paupières et retrouva la même scène que les nuits précédentes. L’angoisse fit venir la chair de poule sur ses bras, mais elle résista à l’envie de fermer les yeux, de se laisser emporter. Dans la pénombre, elle distingua une table couverte de pots, de marmites, de grimoires et d’ustensiles tous plus insolites les uns que les autres. Elle remarqua un vieux poste radio branché à l’unique prise de courant autorisée par maison et qui crachotait de temps en temps avant de laisser passer des filets de musique. Yaëlle faillit tout oublier de sa situation en découvrant à côté de cette pièce rare, vestige d’un temps révolu, d’avant la Guerre des races, un grille-pain, un micro-ondes, un poste de télévision et nombre d’objets qu’elle ne connaissait pas. L’envie de s’approcher, d’y regarder de plus près, la titilla jusqu’à ce qu’un raclement de gorge la fasse revenir à l’instant présent.

Une vieille femme était assise sur un banc dans l’âtre de la cheminée pour être au plus près de la chaleur. La jeune fille ne vit que la peau fripée, tachée, les longs doigts crochus, les ongles jaunis. Elle porta une main à sa bouche pour contenir un cri, persuadée d’avoir affaire à une sorcière, même si on lui avait toujours affirmé qu’elles n’existaient pas, que sa raison lui criait que l’on ne jugeait pas les gens sur leur apparence. Après tout, c’était son cauchemar, libre à elle d’y rencontrer qui elle voulait !

— Qui êtes-vous ? chercha-t-elle tout de même à savoir.

La silhouette voûtée se redressa. Sans lui répondre, elle se mit à fourgonner devant elle, n’offrant que son dos à Yaëlle. Celle-ci l’imagina sans problème tournant une longue cuillère en bois dans un chaudron suspendu à la crémaillère, d’où devaient s’élever des vapeurs nauséabondes et des bouillonnements sinistres. Rien de tel, pourtant ! La grand-mère se contentait de remettre à ses pieds des sabots qu’elle avait laissés sur le côté.

Quand l’habitante des lieux se retourna péniblement pour venir à elle, Yaëlle remarqua qu’elle n’était pas placée au mieux, loin de ce qui lui semblait être la porte d’entrée, seule possibilité de fuite. Elle se trouvait à son opposé, acculée entre une armoire branlante à la porte à moitié dégondée qui laissait apparaître des livres, des piles de linge de maison clairsemées, et un lit dont l’édredon usé et rapiécé démontrait la vétusté.

— Bonjour, petite.

Les iris bleus délavés, les cheveux blancs, clairsemés, laissant entrevoir le crâne de la femme, et les mains tendues vers elle finirent de terroriser Yaëlle. Elle poussa un cri en refermant les yeux. Elle les rouvrit aussitôt, persuadée d’être revenue dans son lit, mais découvrit, à son grand dam, qu’elle n’avait pas bougé.

— Où suis-je ? Qui êtes-vous ? Restez où vous êtes !

— N’aie pas peur, je ne te veux aucun mal, murmura la vieille femme.

Elle s’arrêta tout de même, fredonnant une chanson, lèvres fermées, comme si elle tentait d’apprivoiser un chaton. Effrayée, Yaëlle réalisa qu’il s’agissait de celle qui résonnait dans sa tête en arrivant ici.

— Cessez ça tout de suite, lui demanda Yaëlle, d’un ton plaintif.

— Cela réveille des souvenirs ?

Comment pouvait-elle le savoir ? La comptine la ramenait à son enfance. Sa nourrice la lui avait apprise. Elle n’en comprenait même pas les paroles. Quelle était cette langue ?

— C’est normal, on est dans mon rêve, dans ma tête ! lança-t-elle, exaspérée, plus pour se rassurer elle-même qu’en réponse à la question.

— Rien de tout ça, on est chez moi. Voilà plusieurs nuits que tu réponds à mon appel. Je suis ravie de te rencontrer enfin. Quel est ton nom ?

Son appel ?! Cela laissa Yaëlle sans voix.

Devant son mutisme, la vieille femme insista :

— Je suis Tanula. Et toi ?

La gorge asséchée par la surprise, aucun mot ne sortit de la bouche de Yaëlle. Elle était tétanisée. Son cerveau refusait d’ordonner ses pensées, tout s’embrouillait dans sa tête. Un vertige la saisit, elle trébucha, fit un pas en avant et se retint au dossier d’une chaise sur l’assise de laquelle elle se laissa tomber. Malgré elle, son cerveau enregistra la sensation de dureté sous ses fesses, l’odeur de paille qui se dégagea, ainsi que la douceur du bois de la table, usé, patiné par le passage du temps, sur lequel elle posa ses mains. Elle pouvait même sentir les effluves du potage qui chauffait dans la marmite suspendue à la crémaillère de l’âtre.

Un rêve pouvait-il être aussi précis ? La femme la fixait sans un mot, attendant qu’elle se reprenne et lui réponde. Elles se trouvaient toutes deux assises face à face. Personne d’autre ne semblait habiter ce logis. Comme a priori aucun danger ne la menaçait dans l’immédiat, Yaëlle décida de jouer le jeu afin de voir jusqu’où son esprit allait la mener. Elle donna son prénom en retour à Tanula.

— Enchantée de faire ta connaissance, Yaëlle. Veux-tu un peu de bouillon ?

— Non merci. Je préfèrerais savoir où je suis et comment je suis arrivée ici.

— Cette maison est la mienne. Elle se situe à la bordure inférieure de la ville d’Aldéyus.

Yaëlle se figea en entendant cela. Des grincements, à l’extérieur, parvinrent soudain à ses oreilles. Elle n’y avait pas prêté attention jusque-là. Elle se leva et, avisant une petite fenêtre, s’en approcha. Avec beaucoup de réticences, elle souleva le rideau et regarda dehors. Un cri d’horreur mourut sur ses lèvres.

Au loin, elle venait d’apercevoir des wagonnets surgissant des entrailles de la colline et qui se découpaient en ombre chinoise à la lueur blafarde de la lune. Elle les observa disparaître, lourdement chargés, derrière de hauts murs de pierres surmontés de barbelés. De puissants projecteurs illuminaient le site, ne laissant aucune zone d’ombre, il n’y avait aucune possibilité de fuite pour ceux travaillant là-bas. Toutes ces mesures la rassurèrent… un peu.

— Vous vivez à côté de la mine ? Êtes-vous un… un… vam… un vamp…

— Un vampire, finit pour elle la vieille dame. J’en ai l’air ?

Comment savoir ? Yaëlle n’en avait vu que sur des images que les jeunes de la Citadelle se montraient en douce aux veillées pour se faire peur. Elle et les siens vivaient au sommet de la montagne, au-dessus de la couverture de nuages qui stagnait à mi-hauteur.

À Aldéyus, la vie se scindait en trois zones. Tout en haut, bénéficiant de la lumière du jour, de la chaleur du soleil, vivaient les hautes sphères de la société, dont sa famille faisait partie. Tout en bas, dans l’obscurité de la vallée, là où la lumière du jour ne parvenait pas, se trouvait la mine, prison des vampires qui y travaillaient sans relâche, sans aucun espoir de liberté. Entre les deux, s’étalant sur le versant de la montagne, commençant juste sous les lourds nuages grisâtres, une ville s’organisait en quartiers de moins en moins agréables, de plus en plus malfamés au fur et à mesure que l’on descendait vers la noirceur du val.

Jamais Yaëlle ne s’était aventurée dans la ville basse, comme la nommait le Dominac, leur chef suprême à tous. Surtout, elle n’aurait jamais imaginé se retrouver aussi près de la mine, repaire des monstres, ces vampires assoiffés de sang, juste bons à travailler sous terre. Elle n’y aurait jamais été autorisée, de toute façon. Telle une forteresse, le sommet de la montagne sur lequel avait été construit un centre de recherches abritant des laboratoires était cerné par des remparts réputés infranchissables. Elle pouvait en sortir, profiter des terrains aménagés en promenade qui les cernaient, mais il lui était interdit, comme à tout habitant du Centre, de passer sous la ligne des nuages.

Elle n’en avait d’ailleurs jamais éprouvé la moindre envie. La grisaille, la poussière, le froid, voilà ce qui dominait cette partie d’Aldéyus. Qui aurait voulu aller dans cet en dessous ?

Et pourtant, elle se trouvait dans une maison située au pire endroit, à la limite de la mine. Comment aurait-elle pu inventer tout ça ? Elle n’en avait jamais vu aucune représentation. Le cœur battant à tout rompre dans sa poitrine, le souffle court, la tête vidée par ce qu’elle venait de découvrir, elle revint s’asseoir.

Le frottement d’une timbale posée sur la table juste devant elle ramena Yaëlle à la réalité. Ne sachant que faire, elle but une gorgée du bouillon, puis posa ses mains autour du godet et le fit tourner sur place, sans cesser de fixer la femme assise en face d’elle. Celle-ci paraissait inoffensive, décida-t-elle, ainsi ratatinée sur elle-même. Son regard bleu pâle ne cillait pas, ses lèvres demeuraient figées sur un sourire bienveillant.

Yaëlle refusait toutefois de baisser sa garde, préférant se méfier. Deux questions tournaient dans son esprit, l’empêchant de se calmer : comment était-elle arrivée là ? Car, cela ne faisait plus aucun doute pour elle, il n’y avait plus personne dans son lit. D’une manière ou d’une autre, elle avait atterri ici. Et surtout : comment en repartir ?

— Sais-tu qui tu es ? lui demanda Tanula.

Avait-elle perdu la tête ? Quelle question stupide !

— Je veux dire… réellement, insista-t-elle.

C’en fut trop pour Yaëlle, elle repoussa sa chaise, prête à partir, bien décidée à rentrer chez elle. Tant pis si, pour ça, elle devait traverser une ville fantôme, emplie de soûlards, de pauvres hères et de brigands.

Elle n’eut pas la possibilité de poser sa main sur la poignée de la lourde porte donnant sur la rue. Elle se retrouva à la contempler, se demandant le pourquoi des arabesques dessinées dessus et qui ressemblaient étrangement à des signes cabalistiques. Incapable de produire le plus petit mouvement, elle était statufiée, le corps en avant. Trop tard, elle réalisa que la vieille femme fredonnait à nouveau une mélodie aux sons bizarres.

— Sorcière ! réussit-elle à articuler péniblement.

— Il faut qu’on parle. Es-tu prête à m’écouter ?

Avait-elle le choix ? Yaëlle ne savait plus que penser.

La vieille femme patienta, attendant sa réponse. Quand Yaëlle finit par murmurer son accord, elle lança encore quelques tonalités de sa voix fluette.

Une sueur glacée coula le long du dos de Yaëlle. Un grand froid la parcourut quand Tanula cessa brusquement de chanter. Elle craignit un instant pour sa vie, mais elle souffla de soulagement en constatant qu’elle venait de retrouver sa mobilité.

Les muscles encore raides, elle s’appuya au mur et ne bougea plus, se contentant d’observer celle qu’elle ne parvenait pas à situer, amie ou ennemie, et qui, après avoir longuement regardé à l’extérieur, perdue dans ses pensées, tira le lourd rideau devant la fenêtre et revint se planter face à elle.

Yaëlle avait fermé les yeux, bien décidée à ne les rouvrir que dans son lit, mais, malgré l’angoisse qui l’enveloppait d’un carcan gelé, elle demeurait sur place.

— Tu ne partiras que lorsque j’inverserai la formule lancée pour te faire venir et rester.

— Mais, les autres fois…, commença Yaëlle, avant que Tanula ne l’interrompe.

— Ces nuits-là, la formule n’était pas au point, pas assez puissante pour te retenir, vaincre ta peur, mais je l’ai renforcée. J’ai lancé l’appel, ta magie, celle de ta famille, a fait le reste. 

Elle arrêta d’un geste vigoureux de la main, les mots qu’allait lancer Yaëlle pour la contredire.

— Ne m’interromps pas ! J’ai bien dit : ta magie. Pourquoi, comment, je te l’expliquerai un jour, mais pas aujourd’hui. Il y a plus important.

Plus important que la magie ! Yaëlle nageait en plein délire et commençait à revenir à son idée qu’elle cauchemardait. C’était ça ou cette femme était folle ! Ce qui était loin d’être évident au vu de son attitude. Au contraire, elle n’avait pas du tout l’air perturbée.

Un claquement de doigts sous son nez ramena l’attention de Yaëlle sur Tanula.

— Qui s’occupe de toi au Centre ?

— Ma famille…

— Tsss ! Tsss ! Je sais que tu es orpheline.

Cette affirmation fit frémir Yaëlle, car elle était juste. Ne sachant plus que penser, impressionnée par l’aura de la vieille femme qui attendait sa réponse, les bras croisés sur sa poitrine, elle répondit :

— Le cuisinier en chef du Centre m’a adoptée.

— Kumyl !

Yaëlle put sentir la contrariété de Tanula dans le ton de sa voix. Celle-ci poursuivit en marmonnant :

— Mais à quoi pensait-il ? C’est une folie !

— Pourquoi dites-vous ça ?

Qui était cette femme ? Pourquoi la regardait-elle ainsi ? Yaëlle pouvait presque l’entendre se demander ce qu’elle devait lui dire ou non.

— Parlez-moi ? Expliquez-moi ? finit-elle par lancer d’une voix implorante.

Une sirène retentit, perçant de son cri aigu le silence de la nuit. Apeurée, Yaëlle se précipita à la fenêtre. L’obscurité la plus totale régnait à l’extérieur, les projecteurs de la mine s’étaient éteints. Le bruit du déraillement d’un train de wagonnets prit de l’ampleur, l’odeur du métal chauffé parvint jusqu’à ses narines.

— Que se passe-t-il, hurla-t-elle.

— Pas le temps de t’expliquer ! Je dois lever la barrière, protéger ce quartier. Rentre chez toi, lui retourna Tanula en verrouillant sa porte et barricadant sa fenêtre.

Yaëlle sentit la terreur l’envahir quand des picotements se propagèrent dans son corps au fur et à mesure que la vieille femme marmonnait des mots inintelligibles. Malgré son appréhension de ce qu’il allait lui arriver, elle trouvait que son départ n’arrivait pas assez vite. Elle pouvait percevoir des cris, des hurlements à l’extérieur, et même… des coups de feu. Le bruit d’un corps heurtant la porte d’entrée la fit crier.

Sa dernière heure était venue ! Elle ferma les yeux.

Elle les rouvrit en sentant la douceur de la soie sous ses paumes, et se découvrit dans sa chambre. Elle sauta de son lit, se précipita pour sortir sur le balcon, tourna sur elle-même en découvrant l’enceinte de la Citadelle, riant comme une folle, la tête levée vers le ciel pour contempler les étoiles qui le constellaient. Un garde qui faisait sa ronde sur le rempart l’interpella pour lui demander si tout allait bien. Un peu gênée, elle lui adressa un signe de la main pour le rassurer et rentra.

Refusant de s’allonger au risque de se rendormir, elle s’assit à même le sol, la tête en appui sur son matelas, mais ne resta pas longtemps ainsi. Un objet la gênait, rentrait dans sa cuisse. Lentement, elle se redressa. Elle était certaine de ne rien avoir mis dans la poche de sa chemise de nuit. Ses doigts se glissèrent avec précaution dans le vêtement jusqu’à rencontrer un objet froid. Elle le serra dans sa paume, devinant à ses contours qu’il s’agissait d’une bague, et resta ainsi immobile, l’esprit en ébullition.

Elle n’avait pas rêvé, la vieille femme existait bel et bien. Le plus difficile n’était pas d’admettre ce dernier point, mais plutôt de digérer qu’elle ait pu se retrouver chez elle. Le mot « magie » résonna dans sa tête, elle le rejeta. C’était trop pour elle, elle se recentra sur le bijou pour oublier un temps le reste et ne pas devenir folle. Si elle ne l’était pas déjà ! C’était aussi une possibilité.

La bague s’était réchauffée dans sa main. C’était un bijou assez ordinaire, un anneau large et plat en métal argenté, trop grand pour elle, même pour son pouce. Machinalement, elle le passa à son index. C’est là que l’impossible se produisit ! La bague rougeoya, flamboya. Affolée, craignant d’être brûlée, Yaëlle chercha à l’enlever, mais celle-ci s’adapta parfaitement à son doigt. Impossible ensuite de la faire bouger !

Quand l’éclat s’atténua, elle découvrit que le vulgaire anneau s’était transformé en un sceau d’une couleur or pulsant doucement sur sa peau. Elle l’approcha de ses yeux et distingua dessus la calligraphie d’un blason, un arbre stylisé aux branches entrelacées. Son front se plissa, ses sourcils se froncèrent. Où avait-elle déjà vu ce dessin ? Quand la réponse lui vint, Yaëlle bondit sur ses deux pieds et se précipita vers son armoire.

Une fois devant, elle tomba à genoux, chassa d’un revers de la main le tas de chaussures qui la gênait et dégagea une vieille boîte située au fond. À l’intérieur se trouvaient ses souvenirs, des objets de son enfance qu’elle chérissait, notamment, une petite couverture pour berceau. Elle la sortit, la porta à son nez en un geste réflexe pour en humer le parfum, avant de chercher le monogramme qui y avait été brodé. C’était le seul objet qui lui restait de ses parents. D’après Kumyl, elle était enveloppée dedans quand il l’avait trouvée devant la porte de son appartement.

Le monogramme et le blason sur le sceau étaient identiques !

Son cœur rata un battement avant de s’emballer. Le souffle lui manqua. Devait-elle comprendre que cette vieille femme, cette sorcière, elle ne savait plus trop que penser, avait connu sa famille ?

La bague à son doigt avait refroidi et repris son aspect d’anneau classique. Elle chercha, une nouvelle fois, à l’ôter, mais l’anneau ne bougea pas. Ne voulant pas rendre le bijou trop apparent, Yaëlle décida d’en passer d’autres à ses doigts. Satisfaite du résultat, elle émit un léger rire à l’idée qu’elle allait peut-être lancer une mode. Son amusement s’éteignit aussi vite qu’il était venu. L’anneau avait disparu. Enfin, pas complètement ! Elle pouvait le sentir, mais ne le voyait plus.

Elle n’eut plus d’hésitations, elle devait obtenir des explications et la seule à pouvoir lui en donner était cette Tanula. Il lui fallait la revoir, obtenir des réponses ! Elle s’allongea sur son lit. La gorge asséchée par l’anxiété, elle finit le verre d’eau citronnée que sa servante laissait tous les soirs sur sa table de nuit, étala machinalement ses longs cheveux sur l’oreiller pour qu’ils ne prennent pas de faux plis, remonta l’édredon jusque sous son nez et, en soupirant bruyamment, ferma les yeux.

Contrairement à ses attentes, elle sombra dans un sommeil profond, sans rêves.

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